Quelques points saillants

1- Les enjeux de l’interculturel                                                  

L’Assemblée Plénière 2010 s’est concentrée sur un sujet d’une particulière importance pour l’avenir du Dicastère. En filigrane de tous les apports et débats était clairement lisible la problématique de fond : celle de l’évangélisation de la nouvelle culture émergeante qu’est celle que nous pouvons d’ores et déjà dénommer « culture digitale ». Elle ressortie aussi du mot de présentation de perspective d’approche ouverte par sa nomination comme africain en qualité de Secrétaire.

Cette présentation de vision, expressément demandée par S. Em. le Cardinal Ravasi, Président du Dicastère, a eu l’immense avantage de mettre au centre de la réflexion l’interculturalité et de l’articuler à deux niveaux vraiment décisifs :

Interculturalité et l’Eglise Universelle

1.         Interculturalité entre Culture

Cultures analogiques des pays émergents et culture Euro-Occidentale analogiques : Enjeux interculturels (cf. Gaudium et Spes, 53)

Culture analogique européenne et culture digitale : Enjeux interculturels

De l’ensemble des autres idées émergeantes de la Plénière nous pouvons retenir :

2-      Nécessité de connaître la grammaire de la culture digitale

La Plenaria ne visait pas à stigmatiser les périls des nouveaux moyens ni les usages bons ou mauvais qu’on peut en faire en les mettant au service de l’Eglise. Avant tout jugement de valeur, il fallait prioritairement écouter le phénomène, le regarder de près pour savoir ce qu’il est et quel changement culturel et anthropologique il engendre. Il ne s’agit pas d’apprendre à utiliser un moyen mais d’en comprendre la logique communicative, la grammaire.

3-      Nouveaux modèles anthropologiques

Les NTIC sont en train de faire émerger un nouveau modèle anthropologique qui se caractérise par la fluidité, la liquidité, le manque de solidité, de fermeté et de cohérence… Le concept de personne central dans le christianisme apparaît dilué. La communication est superficielle et sans profondeur. Les relations sont froides. L’utilisateur de ces moyens s’enferme de plus en plus dans l’individualisme de masse, dans la neutralité. L’homme digital développe une conception de la liberté qui se réduit à une pure capacité de choisir que l’internet exalte à l’infini. L’anthropologie digitale est de type pascalien c’est-à-dire basée sur le pari. Dans une culture liquide comme l’est la culture digitale, le sujet est acculé à exercer une liberté de choix par pari.

4-      Accepter avec réalisme le changement en cours

La révolution digitale est une réalité qui s’impose et avec laquelle il faut compter. C’est un processus pratiquement irréversible. Il faut en prendre acte sans peur. Ozanam disait l’Eglise passe aux barbares. Cela vaut pour la culture digitale. Nous n’avons pas le choix. L’Eglise doit évangéliser cette nouvelle culture et y inculturer l’Evangile. Les NTIC ne sont pas des prothèses mais ils constituent l’ambiance même dans laquelle nous vivons. Car ils se sont substitués aux différents lieux communs de formation.

A cet égard, on a souligné l’importance de l’écoute, que ce soit l’écoute des langages de l’âme au cœur de la cité, que ce soit les jeunes nés dans le digital pour rendre possible une prise en charge de la génération digitale par celle dite analogique.

5-      Les jeunes

Ils font partie pour la plupart de la génération digitale et sont en rupture avec le monde de leurs aînés. Il y a là un monde écartelé entre une culture numérique, digitale et une culture plus traditionnelle, analogique. Ils nous obligent à communiquer avec eux et à leur communiquer les grandes valeurs humaines et la foi dans leurs cultures. En maîtrisant la grammaire digitale, et en l’évangélisant, il sera possible d’y inculturer l’Evangile et ainsi de rejoindre les jeunes qui sont la majeure partie de l’humanité. Ce sont donc eux surtout, qui nous forcent à passer d’une approche instrumentale des NTIC à une approche intégrative qui s’inscrive dans l’adoption de l’outil et de sa culture (culture de la brièveté, de la rapidité, de la simplicité).

6-      Importance des autres langages

Télévision, cinéma, internet, sont les canaux majeurs de communication où se véhicule la culture digitale. Mais il existe d’autres langages : l’art sacré, la musique… Le cinéma mérite une attention particulière. En effet, il raconte la réalité mais l’internet lui, double la réalité, la falsifie et déréalise. Le cinéma a un fort potentiel pédagogique. Beaucoup de films récents ont une grande qualité prophétique. Ils expriment le désir profond du cœur humain présent dans beaucoup de cultures.

Se pose ici le problème de l’anti-sacramentalisme de l’internet. Le christianisme est l’incarnation de la Parole, une parole qui devient chair. Dans le monde digital au contraire, c’est la chair qui devient parole, un numéro. Un nouveau gnosticisme s’instaure avec le monde digital. La réponse de l’Eglise est sacramentelle.

7-      Une nouvelle apologétique

Les nouveaux langages de la culture digitale permettent de rejoindre des millions de personnes qui ne parviennent jamais à être touchées par la prédication. L’internet peut construire un lieu favorable à une nouvelle apologétique. Une sorte de preparatio evangelica ou un exposé des preambula fidei préalables à toute évangélisation vraie et propre à préparer le terrain où la Parole pourrait germer (Barron), exposer et proposer les premiers principes de la foi (Eijk)

8-      L’importance de la communauté

L’Eglise a comme mission de former et de proposer un sujet capable de relation, de pourvoir à des sujets capables d’utiliser les NTIC avec sagesse. Importance de la conception de l’Eglise comme qahal, convocation. Dans l’assemblée liturgique, on est convoqué ensemble avec d’autres. L’Eglise est une communauté qui célèbre les sacrements. Il y a le défi de passer du réseau à la communauté réelle. Dans la communication mystagogique, on rejoint le cœur de l’homme.

Malgré la nécessité de maîtriser la grammaire de la nouvelle culture, pour l’évangéliser et y inculturer la foi, quelques défis majeurs sont apparus, qu’il est bon de relever. Nous pouvons les énumérer : le défit la chair, le défi de la communauté, le défi du sacramentel et du mystagogique … On a fait remarquer qu’en perspective pédagogique, s’imposent toujours sélection, gradualité et progression. L’Eglise n’est pas à son premier changement culturel. Elle a traduit le message dans les créations artistiques des différentes générations passées ; elle est rentrée dans la culture technologique ; elle doit pouvoir entrer dans la culture digitale. Les défis apparus doivent être gardés en vue, mais ne doivent pas empêcher d’avancer. Son nouveau « passage aux barbares » est irréversible.